Lundi 14 janvier 2019, pour sa première dégustation de 2019, Oenocratia a eu le plaisir de recevoir Caroline Fiot, œnologue de la prestigieuse maison Ruinart.
Ruinart a été créé en 1729 à Reims, il s’agit de la plus ancienne maison de champagne. A l’origine de la maison Ruinart un moine bénédictin, Dom Thierry Ruinart, avait perçu, dès la fin du XVIIèmesiècle, le potentiel du vin effervescent. C’est son neveu, Nicolas Ruinart, qui créera la maison en 1729, profitant de la fin de l’interdiction de transporter du vin en bouteilles (1728). Les premières expéditions de champagne ont débuté en 1739. En 1910, 90% du marché de Ruinart se faisait à l’export, modèle économique souvent utilisé pour le champagne. Toutefois, la France est aujourd’hui le premier marché de la maison. Cette dernière est rachetée en 1987 par LVMH qui croit en son potentiel et participe à sa renaissance.
Caroline Fiot nous a alors relaté deux particularités de la maison Ruinart, la première étant ses crayères, galeries de craie où sont entreposées les bouteilles de champagne. Ce sont les galeries les plus profondes de la Champagne (jusqu’à 40m de profondeur). Les crayères sont des lieux idéaux pour entreposer le champagne. L’absence de lumière, l’hydrométrie (humidité stable et température entre 11 et 12°C toute l’année) ainsi que l’absence de vibration sont bénéfiques pour le produit : l’étanchéité du bouchon est préservée, l’oxydation et les explosions de flacons sont aussi évitées. Seconde singularité de la maison Ruinart : celle-ci s’implique dans la promotion de l’art et des artistes. Chaque année un artiste vient sur le domaine et crée une œuvre d’art pour la maison. L’œuvre voyage ensuite dans le monde pour être exposée dans différents lieux, à différentes occasions.
Plus généralement, sept cépages coexistent sur la région de la Champagne. Les trois principaux sont : le pinot noir (38% des cépages), le meunier (31%) et le chardonnay (30%). Pinot gris, pinot blanc, arbane et petit meslier complètent le panel. Les quatre régions de Champagne sont la Montagne de Reims, la Vallée de la Marne, la Côte des Blancs et la Côte des Bars. La craie est omniprésente dans la région ce qui et permet un drainage des sols qui fait remonter l’eau par capillarité. De plus, les vignes sont souvent plantées sur des coteaux afin de maximiser leur ensoleillement.
Caroline Fiot nous a, par la suite, décrit les différentes étapes qui permettent d’obtenir une cuvée. Après un contrôle de maturité, les vendanges sont faites manuellement. Les raisins sont ensuite pressés pour obtenir un jus, le moût. Le moût est alors clarifié. S’opère après, la première fermentation alcoolique. Chez Ruinart, il y a un ajout de levures lors de cette phase. Se déroule alors une fermentation malolactique : les œnologues de la maison ajoutent des souches de bactérie propres à Ruinart. C’est ce qui va permettre d’obtenir un certain équilibre entre fraîcheur et rondeur dans les vins.
L’étape suivante est celle de la clarification et du soutirage qui éclaircissent le vin. Les œnologues vont alors goûter les vins. Ils font deux dégustations : une première où ils classent les vins de A à C (un vin noté A n’a aucun défaut et un vin noté C en a quelques-uns) et une deuxième où ils notent les détails de chaque vin (au nez, en bouche…). Ces classifications leur permettent de faire l’assemblage entre les différents vins pour obtenir le résultat souhaité. La phase qui suit est celle du tirage : les vins sont mis en bouteille et dans lesquelles on ajoute sucres et levures, créant ainsi une nouvelle fermentation. Cette phase est celle dite de « prise de mousse » pendant laquelle les bouteilles passent 8 semaines en cave.
L’étape suivante est une étape clé, c’est celle du remuage : le passage de la bouteille de l’horizontale à la verticale. Cela facilite la clarification du vin car le lit de levure tombe dans le col. Il faut alors enlever le dépôt : soit manuellement, soit mécaniquement en trempant le col dans de l’eau à -26°C pour former un petit glaçon de levure facile à enlever. Pour diminuer la variabilité de goût entre les bouteilles, on emploie la méthode du jetting : on introduit une goutte d’eau bisfultée, la bouteille va alors « gerber », le dioxyde de carbone remonte et l’oxygène s’échappe. Enfin, on procède au bouchonnage, muselage, vieillissement et étiquetage.
Après ces intéressantes et complètes explications, nous avons débuté la dégustation.
Nous avons entamé notre dégustation avec le Brut R de Ruinart. Il est composé à 47% de pinot noir, 40% de chardonnay et 13% de meunier. C’est un assemblage de deux ou trois récoltes. Celui que nous avons goûté était une base 2015 avec ajout de vins de réserves de 2013 et 2014 (20 à 25% de vins de réserves). Ce champagne vieillit 3 ans. Au nez, il a des notes de fruits frais, de fleurs blanches ainsi que de fruits exotiques. En bouche, on retrouve le goût de l’amande et de la noisette mais aussi du jasmin et du tilleul. Il est conseillé de l’accorder avec des noix de Saint-Jacques, une sole meunière ou encore des fromages à pâtes dures comme la tome ou le comté.
Nous avons ensuite dégusté le Blanc de Blancs, champagne le plus emblématique de la maison Ruinart. Son nom provient tout simplement de sa composition : un jus blanc issu de raisins blancs. C’est un champagne 100% chardonnay, avec 80% de grand cru et 20% de vins de réserves. Ce champagne, aussi, vieillit 3 ans. Il a des notes de pêche, de citron, d’ananas et de gingembre. Les accords privilégiés par Ruinart pour ce champagne sont les tartares de poissons (notamment dorade et bar), les langoustines, ainsi que les salades de quinoa et avocat.
Le troisième champagne que nous avons goûté est le Dom Ruinart 2007. Lui aussi est un 100% chardonnay. Les champagnes Dom Ruinart ne forment que 2% de la production car il n’y en a pas tous les ans, seulement quand l’année est considérée comme excellente. Ce champagne millésimé vieillit donc 9 ans et n’est composé que de grand cru. C’est un champagne avec un côté un peu plus huileux que les deux premiers. Il a un petit goût toasté, d’amandes grillées mais aussi de citron confit, avec une note florale. On servira ce champagne plutôt à l’apéritif ou pour accompagner le plat notamment s’il s’agit d’une volaille de Bresse ou d’un dos de cabillaud.
Le dernier champagne que nous avons dégusté est le Ruinart Rosé. Il est composé à 55% de pinot noir et à 45% de chardonnay. Il est rosé car il contient 18% de vin rouge. Ce champagne vieillit 3 ans. Ses notes principales sont des notes de cerise, framboise et litchi. Avec ce champagne, nous avons pu comparer l’effet du contenant sur le vin. En effet nous avons dégusté un champagne provenant d’un format « classique » (75 cl) et un, provenant d’un magnum(150 cl). Au nez, le vin du magnum semble plus grillé ou toasté alors que le vin provenant de la bouteille parait plus fruité. Les mets qui s’accordent le mieux avec ce champagne sont le jambon cru, la cuisine japonaise, l’avocat et les carpaccios.
Nous tenions à remercier sincèrement la maison Ruinart, et tout particulièrement Caroline Fiot qui est venue à ESCP Europe pour nous transmettre sa passion du champagne et nous partager l’histoire de cette grande maison de champagne.